Coeur d’étoile

par Théophile Cartraud

 

Comment te dire ce qui me mine,

depuis quelques millions d’années ?

Seul au monde je crie famine,

car l’Univers m’a condamné.

 

Nul autre met pour mon festin

que ce qui me sert de corps.

M’effondrer, tel est mon destin.

Voici pourquoi mon cœur se tord.

 

Un cannibal qui se mutile,

des cicatrices à la brûlance

pareille aux flammes d’une idylle,

dont on a à peine connaissance.

 

Combien y a-t-il de papillons

dans mes entrailles qui foisonnent ?

Des mouvement de convections,

sans jamais cesser, me façonnent.

 

Mes soeurs apparues dans la nuit,

à vos pupilles sont toutes jumelles.

Mais écoutez ce qui s’ensuit,

Nulle n’est pareille dans le ciel.

 

Certaines subsistent longtemps,

se flétrissent comme une pomme,

brillent si peu en s’estompant,

de naines brunes on les nomme.

 

D’autres étoiles hospitalières

éclairent les planètes et forgent

l’hélium, le carbone et le fer

qui constituent le blé et l’orge.

 

Et pourtant, dans ma solitude,

j’ai su capter quelques rayons

qui racontaient ton attitude

et décrivaient tes émotions.

 

Prise dans tes rêves, tu t’effaces

en oeil de chat. J’en pince pour toi.

Ton coeur mis a nu dans l’espace

sans carapace ni carquois.

 

Débarrassée de ton corset,

de toute chair, de tout squelette.

De ta masse ainsi délaissée,

tu es devenue si fluette.

 

Ainsi les signes meurent un jour.

Les trajectoires sont de passage,

comme une nuée de vautours

dévorant étoiles et sages.

 

Si les unes dérivent et meurent

dans un écrin d’obscurité,

il en est qui ont pris pour mœurs

de cracher à l’éternité.

 

Celles-là plus tonitruantes,

enflent sous des coups de tonnerre.

Leur durée de vie fulgurante

enflamme ces géantes en colère.

 

Il en va ainsi de mon être.

Irradiant de mes feux l’éther*

qui couronne mon périmètre,

mon estomac souffle l’enfer.

 

Ma fleur éclot. Elle est si belle,

illuminant tout l’Univers.

De ses pétales, elle ensorcelle.

Voici sa magie qui opère :

 

De l’or, de l’argent, de la myre

abreuvent les berceaux d’étoiles.

Car j’ai nourri de mes soupirs

d’innombrables nuées spatiales.

 

Mon cœur est devenu si sombre…

Les environs ne sont plus sûrs !

Il n’y a plus rien, plus d’horizon.

Je ne vois même plus mon futur.

 

Consumer mon apothéose,

briller le long de mon passage.

Je vis. Je meurs. Et puis j’explose.

De mon cœur voici l’héritage.


Théophile Cartraud

* Ici l’éther désigne de manière poétique l’espace cosmique.

Laisser un commentaire