La Gazelle, c’est quoi ? 

 

QUE L’ENCRE GICLE ! – Dans un monde qui ne nous donne pas la parole, ou qui nous la donne, du moins, à ses conditions, écrire c’est la prendre. Dans un monde où la classe dirigeante fait trop souvent ses choix sans même se soucier de l’avis de ceux qui en bénéficieront ou qui les subiront, écrire c’est crier tout haut, tout fort : « j’existe ! ». Car il s’agit bien d’un « je », d’un individu seul face à ce monde, ou du moins face à son monde, c’est-à-dire son lectorat, qui empoigne son stylo et livre une véritable bataille de mots à ses adversaires. Mais ne vous inquiétez pas : il n’y aura qu’une effusion d’encre, bleue ou noire qu’elle soit. Du sang jamais ne coulera par la main d’un journaliste. Mais La Gazelle ne s’arrête pas à cet acte performatif, déjà ambitieux. Non seulement elle affirme de toute force notre existence, mais surtout sa devise est celle des Lumières : « Sapere aude », « Ose penser par toi-même ». Cela pourrait sembler désormais banal à plusieurs siècles du célèbre manifeste de Kant, mais rien n’est en réalité plus crucial, plus actuel que ces cinq mots. A l’intérieur d’un système qui impose le politically correct perpétuel, où rares sont ceux qui pensent en-dehors de schémas idéologiques, ou pire encore médiatiques, préconçus, réaffirmer des pensées autonomes est un devoir et un besoin que La Gazelle relève fièrement. Que vous soyez héritiers du libéralisme, du communisme, du gaullisme, de l’anarchisme, de l’écologisme ou du féminisme, ce que nous vous demandons pour écrire dans La Gazelle est de dépasser les schémas types, de les renouveler, voire d’en proposer de nouveaux ; toujours dans la plus grande modestie que nous impose notre ignorance et notre inexpérience. C’est dans cette conception du journalisme que nous fondons La Gazelle, le premier mensuel interuniversitaire entre Paris IV et Sciences Po, bilingue « franco-anglais » et donc ouvert à tous les esprits vifs de ces établissements qu’ils soient en licence/collège ou master, étudiants français ou internationaux. Nous nous proposons donc l’échange, le dialogue – et non le débat où chacun reste sur ses propres idées initiales – afin de parvenir à des prises de position individuelles fermes et claires. Le premier numéro a ainsi eu pour fil conducteur le fait de briser des stéréotypes, des lieux communs, en d’autres termes « la démystification et la démythification ». Et le premier acte de cette démystification est de vous tendre un journal en papier, brisant l’idée reçue que dans la presse le papier n’aurait plus de place, balayé par le numérique. Rien de plus chaud, rien de plus humain que le papier que vous pouvez toucher de vos doigts, feuilleter chez vous ou sur les bancs d’un amphi, plier à votre guise, conserver dans votre bibliothèque et sur lequel sont imprimés à l’encre noire des mots nouveaux. 

Éditorial de Mario Ranieri Martinotti – n°0 – Janvier 2015

               Le numéro 45 « Vices » maintenant disponible dans tous les campus du Quartier Latin 

 Edito du numéro 45 « Vices »

La vertu est érigée en opposition aux vices : la dichotomie manichéenne est alors établie. La vertu doit battre le vice de l’homme. Le vice comme disposition au mal – ou plutôt réprouvé moralement par la société – ne saurait se détacher du prisme moralisateur.

Vicieux est l’individu ? Pêchés capitaux dans la religion chrétienne, mauvais penchant, tare chez les Rougon-Macquart ou encore le dark side dans la culture populaire, le vice ne peut être occulté. La culture aime représenter le personnage méchant, “le villain” comme super méchant qui vient contrecarrer les plans du personnage principal. Peut-on voir dans cette opposition symétrique une forme de catharsis ? Despentes dans Vernon Subutex est intransigeante avec la société française, analysant avec acuité les vices contemporains et réalisant ainsi une « Comédie Humaine » 2.0 : tout y passe ! Les personnages y sont dépeints comme haïssables, que ce soit le trader hystérique accro à la came ou le réalisateur de télé looser en passant par Alex Bleach le chanteur rock populaire. Il est bien question de vices dans sa pluralité. Mais s’agit-il d’un défaut amplifié et répété, ou peut-on le généraliser à la « société » ?

Vices, vicissitudes, viciosité… les méandres du vice ne se limitent pas à l’individu : krach boursiers, guerres, pauvreté, précarité des liens sociaux, tout s’ancre dans un mécanisme comme défini en avance. Tout bon marxiste n’hésiterait pas à parler ici de cercle vicieux ! Le capitalisme sous toutes ses formes semble être le grand coupable de tous nos maux.

Perfide et rusé, Machiavel a enseigné aux politiciens à ne pas toujours être bon ; la figure du renard – ou celle de « faire croire » – recommande, par nécessité, de gouverner un peuple cruel en faisant usage de la dissimulation, des joies carnavalesques et du travestissement. Machiavélique, un nouveau synonyme pour évoquer le vice ?

Pourquoi le vice est-il autant décrié ? Si Voltaire dans son conte philosophique Candide prônait que « le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin », faut-il pour autant y voir le Mal même ? une forme de pathologie ? Que ce soit par le biais de la scopophilie freudienne et mulvine, du sadisme, des mécanismes d’auto-destructions, tout semble tendre vers une perversion.

Quelques séances chez le psy et nous voilà expié de tous ces vices, pense-t-on naïvement.

Mélina TORNOR