LE RESTE N'EST QU'UNE QUESTION DE FAÇADE !
La longue entreprise de « dé-diabolisation » du Rassemblement National semble porter ses fruits: l’extrême droite, grâce à une banalisation de ses théories par des figures politiques « républicaines » qui devraient peut. être prendre leur carte au RN, parvient à faire croire qu’elle n’est plus dangereuse… tombons les masques. entre information et propagande, et offrant une couverture parfaite à une idéologie conservatrice.
La fabrique souterraine d’une hégémonie:médias, institutions et réseaux clandestins
Quand des hommes d’affaires proches de l’extrême droite comme Bolloré, Bouygues, Arnault, ou Dassault concentrent les médias entre leurs mains ils ne se contentent pas de faire de l’argent. Non, ils modèlent la pensée. Derrière cette concentration, se cache une stratégie d’occupation idéologique : vendre le déclinisme, la peur de I’« insécurité » et surtout, des thématiques identitaires comme des marchandises politiques. Il ne s’agit plus de journalisme. mais d’un projet politique : normaliser les idées de l’extrême droite, les rendre acceptables, et les transformer en fait politique. comme le montre les émissions « L’Heure des Pros » sur CNews et « Touche Pas à Mon Poste » pour n’en citer que deux. La tentative de rachat de l’Ecole Supérieure de Journalisme (ESJ) par Bolloré, Saadé et Arnault n’est pas une simple manœuvre économique. C’est un projet à long terme pour façonner des générations de journalistes qui penseront comme eux. Ainsi, le Rassemblement National n’est plus petit parti d’opposition radicale, mais machine respectabilisée, intégrée dans le système. Les idées fascistes ne sont en effet plus des reliques du passé : elles nourrissent le cœur même du pouvoir exécutif. La loi immigration, par exemple, n’est pas seulement un compromis, mais un acte d’adhésion. Les macronistes, en soutenant ce texte, participent à l’établissement de ce cadre idéologique. Et le RN, bien sûr, parle de « victoire idéologique ». Certes, des ministres macronistes se sont opposés au texte. Certains ont exprimé le désaccord publiquement, d’autres ont démissionné. Mais ces prises de position, aussi sincères soient-elles, ne changent rien au fait que la loi a bel et bien été promulguée au nom du gouvernement. ne s’agit pas simplement d’un glissement : c’est un ralliement aux thèses du RN. Et comme souvent, le Conseil constitutionnel n’a censuré que des détails, pas l’orientation d’ensemble. Loin d’être une simple mutation idéologique cette stratégie est une conquête méthodique où le vernis institutionnel sert à dissimuler une radicalité toujours plus assumée.
L’extrême droite ne se résume pas aux discours tonitruants et aux démonstrations de force. Derrière la façade bruyante, elle mène un travail souterrain, infiltrant les sphères culturelles et intellectuelles pour imposer une vision du monde où la réaction se confond avec la norme. Ce n’est pas seulement une conquête institutionnelle, mais une reconfiguration des cadres de pensée, un déplacement méthodique de ce qui est jugé acceptable. C’est une guerre culturelle à double face : d’un côté, l’imposition d’un ordre réactionnaire où la liberté se mesure à l’aune du conservatisme le plus étroit; de l’autre, la fabrication d’une censure imaginaire qui sert à manipuler les masses, à faire croire que la pensée « libre » est, en fait, oppressée par des forces invisibles. Autrement dit, toute remise en cause des hiérarchies établies – qu’elle vienne du féminisme, de l’antiracisme, des luttes LGBTQIA+, ou des mouvements sociaux – est travestie en une entreprise liberticide, permettant ainsi aux tenants de l’ordre réactionnaire de se poser en martyrs d’un prétendu dogme progressiste – au nom de la liberté d’expression – tout en consolidant leur propre domination sur l’espace public. Gramsci n’aurait pas dit autre chose: l’hégémonie culturelle se joue dans l’espace public, sans nécessité d’une prise de pouvoir directe. Il redéfinit ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Ce déplacement de la fenêtre d’Overton – où des idées extrêmes deviennent des « débats » – n’est pas un hasard. Il ne s’agit plus de débat, mais de domination. L’espace public, celui qui était censé être le creuset d’un véritable échange, se transforme en une arène où les voix dissidentes sont étouffées dans l’œuf, comme de mauvaises herbes écrasées sous la botte d’un géant technologique. Et tout cela sous couvert de pluralisme. Quel cynisme ! La post-vérité a désormais le droit de cité?, et la vérité n’a plus qu’à se cacher dans un coin. Des réseaux de désinformation prospèrent, brouillant la ligne Tandis que l’extrême droite gagne en respectabilité dans les cercles du pouvoir, une nébuleuse d’organismes stratégiques – think tanks, cercles d’influence, cabinets de conseil et réseaux financiers – travaille en coulisses à consolider cette emprise, tandis qu’en parallèle, des réseaux de violence imposent, par la peur et la répression, les nouvelles frontières du dicible et du pensable. Le réseau Atlas, fer de lance des politiques ultra conservatrices, remodèle le droit à coups de réformes liberticides – démantèlement des services publics et étouffement des mouvements sociaux – et conseille les gouvernements en quête d’hégémonie. Créé dans les années 1980 aux Etats-Unis, dans le sillage de Reagan et Thatcher, il s’étend aujourd’hui sur 103 pays, financé par des géants comme Exxon Mobil ou le libertarien Philippe Morris. Son influence, discrète mais constante, installe un climat propice aux idées d’extrême droite en pesant sur le débat public et les politiques. En France, des institutions comme L’IREPS, L’IFRAP ou l’Institut Molinari infiltrent l’espace médiatique sous couvert de promouvoir la « liberté économique », distillant chiffres biaisés et discours patronaux. Ce réseau a soutenu des réformes antisociales comme le jour de carence dans la fonction publique et la privatisation de directions publiques. Atlas pèse aussi sur des scrutins majeurs : soutien à Trump en 2016, à Milan en Argentine, sabotage de réformes progressistes au Chili et en Australie. En France, il conseille le Rassemblement National, contribuant à sa structuration. Par exemple, Jean-Philippe Delsol (IREF) revendique ouvertement l’inégalité comme principe, tandis qu’Alexandre Piser forme des jeunes comme Samuel Laffon ou Thaïs D’Escuffon à influencer tous les pans de la société.
Une structuration clandestine derrière la vitrine légale : l’autre visage de l’extrême droite
Ils se cachent derrière la façade du débat républicain, mais leurs armes sont déjà prêtes. Les groupuscules d’extrême droite ne sont pas seulement des avatars numériques ou des excités du forum, ce sont des milices en formation, un appareil clandestin qui s’entraîne dans l’ombre. Des Français partent en Ukraine s’endurcir aux côtés du régiment Azov, ce creuset où les néonazis du monde entier viennent parfaire leurs techniques de combat’. D’autres se forment en Israël, en prévision d’une confrontation imminente. Ils ne fantasment plus sur la guerre civile : ils la préparent activement. L’extrême droite s’institutionnalise, tandis que son organisation clandestine reste largement ignorée. Les attentats et actions violentes de l’extrême droite sont minimisés et occultés par les médias, et le RN est présenté comme un parti républicain malgré son programme radical. Ce double jeu permet une avancée discrète de l’agenda réactionnaire sans réelle résistance institutionnelle. En janvier 2025, le Directeur Général de la Gendarmerie, Hubert Bonneau, l’écrit noir sur blanc : « La possibilité d’un conflit armé en France doit être sérieusement envisagée. » L’armée française ne se contente plus de veiller à la sécurité : elle se projette dans une guerre intérieure. Une guerre où les ennemis seront désignés par ceux qui tiennent le micro et signent les ordres. L’ennemi extérieur sert de paravent : l’appareil sécuritaire, lui, se tourne aussi vers l’intérieur. Le basculement est déjà en cours. L’Etat, en pleine hystérie sécuritaire, légitime cette militarisation. Les plateaux de télévision préparent les esprits. Le 28 janvier, BFM titre sans ciller : « La France est-elle prête pour la guerre ? ». Ce ne sont plus des préparatifs, c’est une mise en condition. On assène aux téléspectateur.ice.s que la guerre est inévitable, qu’il faudra s’y soumettre, et que, s’il le faut, Paris connaîtra le sort de Grozny. Ce lavage de cerveau a un but : forcer l’acceptation. En février 2024, les médias annonçaient, avec une satisfaction à peine dissimulée, que « 23 % des Français sont favorables à ce que la France soit dirigée par l’armée ». Depuis, les sondages pleuvent, comme une pluie acide, pour nous convaincre que le pays exige un réarmement général. La jeunesse doit redevenir chair à canon. Le service national universel est poussé, la propagande militaire envahit les écoles, et le recrutement de réservistes s’intensifie. Derrière ce cirque, le capitalisme en crise cherche son ultime recours : la guerre. Ce n’est pas un accident, c’est un mécanisme. « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage », disait Jaurès.
L’heure du sursaut démocratique
L’extrême droite mène son double jeu avec une audace sans égale : derrière sa façade institutionnelle, elle cache son arme secrète; des milices prêtes à agir et des milliardaires en coulisses. Son objectif: écraser les voix dissidentes, monopoliser l’espace médiatique, et imposer son idéologie mortifère à chaque coin de rue. Le génocide palestinien en cours, traité avec une distanciation froide et une justification molle, n’est que l’une de ces anomalies créées par ce mouvement de révision de l’histoire, un phénomène où les pires idées sont renduesacceptables sous prétexte de débat ou de modération. Cette manipulation de la réalité est partout, y compris dans les nouvelles formes de pouvoir médiatique, comme X, la plateforme de Musk, qui n’hésite même plus à modifier ses algorithmes pour favoriser les discours réactionnaires et réhabiliter des figures détestées. Musk, avec son salut nazi, pousse l’absurde à son paroxysme. Les révoltes serbe et turque ne sont pas des accidents géographiques ni des sursauts folkloriques de la colère populaire : elles expriment une contradiction fondamentale de notre temps, entre les promesses démocratiques et les réalités autoritaires qui les dévorent. Elles rappellent que l’histoire ne se contente pas de se répéter — elle se rejoue à chaque génération, et exige d’être prise en charge. Il ne s’agit plus de contempler les dérives, de commenter la montée de l’extrême droite comme s’il s’agissait d’un phénomène météorologique. La passivité n’est pas neutre, elle est une complicité de fait. C’est là toute la portée de la praxis : comprendre les mécanismes de domination n’a de sens que dans la mesure où cela permet de les renverser.
