Entre universités françaises en 2018 et mouvement global en 2025

Ulysse Bourgois, Bloquons tout, 10 septembre 2025, Paris.

Au moment où les mouvements étudiants opèrent régulièrement en France au rythme des décisions politiques et universitaires, l’année 2025 s’annonce depuis septembre comme une année charnière des rébellions de la jeunesse dans le monde. Le Maroc, le Népal ou encore Madagascar ouvrent la marche et la bouche face aux mesures gouvernementales.

« Dans Culture adolescente et révolte étudiante publié en 1969, Edgar Morin faisait de l’adolescence “une catégorie historique” (et non pas “anthropologique constante”), qui se constitue dans le creux de cette phase transitoire nourrie d’indéterminations et de conflits qui mène de l’enfance à l’âge adulte. Elle naît, en tant que réalité, dans des sociétés où l’initiation opérant le passage à l’âge adulte s’est disloquée. Elle se construit en tant que “classe d’âge juvénile”, à partir d’une culture proprement adolescente, notamment autour de la figure du rebelle et de l’idéal de révolte, et au milieu de l’univers étudiant. »

Si en 2018 cette citation fait écho aux jeunes français, en 2025 c'est à l'échelle mondiale qu'elle résonne. Dans un contexte où les mouvements étudiants sont à l’origine de révoltes à l’échelle non plus d’une université ni d’une ville mais d’un pays tout entier, nous assistons à l’écriture d’un nouveau chapitre dans l’histoire des révoltes étudiantes qui prend sa place au sein du sommaire où figurent mai 68 et les printemps arabes. La Gen Z, née entre la fin des années 90 et le début des années 2010 agit à coup de protestations dans les rues, de relais sur les réseaux sociaux, de revendications au gouvernement : la jeunesse de pays aux quatre coins du monde se mobilise contre leur gouvernement. Depuis début septembre, les vidéos relayées par la jeunesse marocaine, népalaise ou malgache cassent les compteurs des réseaux sociaux de leur pays.

La mutation des outils de mobilisation

« L’accumulation de blocages d’universités dans toute la France semble confirmer l’idée que la jeunesse ou plutôt la “classe d’âge juvénile” est une force vive, aisément mobilisable et qui trouve des résonances dans son milieu et en-dehors. »

Allumer son téléphone et tomber sur une vidéo de jeunes népalais qui dansent devant un Parlement en feu, la Gen Z laisse porter sa voix avec ce qu’elle connaît de mieux : les réseaux sociaux. Alors que, à l'échelle restreinte des blocages et manifestations des universités parisiennes, des canaux de communication comme WhatsApp ou Discord s’installent, ces derniers qui ont permis des mobilisations plus globales sur des pays entiers avec un champ d’action beaucoup plus large. TikTok, Instagram, X, la Gen Z a grandi dans ce monde connecté. En 2025, 5,24 milliards d'utilisateurs actifs peuplent les réseaux sociaux, soit 63,9% de la population mondiale et plus de 35,3% du temps total passé sur Internet l’est sur les réseaux sociaux selon une étude par We Are Social/Meltwater. À ce jour, l’impact d’une mobilisation « connectée » démontre que les mouvements des jeunes ne dépendent plus uniquement des médias traditionnels, ils peuvent se faire entendre - et écouter - autrement dans le monde.

Des causes locales de révolte

« L’État bloque tout dialogue et divise les contestataires en attendant que la contestation s’essouffle ou s’envenime. »

À Madagascar on proteste contre la corruption et les coupures d’eau et d’électricité, au Népal aussi on s’insurge face à la corruption, à la richesse des responsables gouvernementaux et aux allégations de mauvaise gestion des fonds publics. Pendant ce temps au Maroc, la préparation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football est sur le point de sacrifier le système éducatif et les services de santé publique et embrase la jeunesse. Alors que dans les rues on entend scander « les stades sont là mais où sont les hôpitaux ? », les forces de l’ordre sont de sortie et la violence s'accroît au fil des jours de manifestation.

Limites des mobilisations et des médias

« L’écho dans les médias et le soutien de l'opinion publique perd du terrain à mesure que les mouvements s’installent dans le temps (...). »

Ces mouvements étudiants en France et à l’étranger soulignent néanmoins les limites auxquelles sont confrontés les jeunes. L’article de 2018 met en avant plusieurs points qui ne résonnent pas forcément avec la situation internationale actuelle : « les groupes opposés aux blocages qui répondent par une violence démesurée » et « les luttes intestines qui naissent et divisent les étudiants entre eux » au sein des mouvements contestataires.

Hana Goudjil