Réforme de l’audiovisuel : À l’ombre du temple de l’ORTF

            Depuis près de quarante ans, les gouvernants parlent de réformer le système de l’audiovisuel public français. Alors que le chantier du gouvernement Macron a été amorcé, annoncé pour 2020 puis reporté, retour sur la suppression d’un temple dont l’ombre plane toujours sur l’audiovisuel public, l’ORTF.

            Il est 20 h. Le 25 juillet 1964, les Français.e.s découvrent sur leurs écrans de télévision un enchevêtrement d’anneaux sur un fond étoilé sur lequel se détache le sigle « ORTF ». Il s’agit de « l’Office de Radiodiffusion Télévision Française ». Créé pour remplir les missions d’éducation, d’information et de culture et afin de moderniser la radio et la télévision, l’Office, installé dans la flambant neuve Maison de la Radio, poursuit sa mission pendant dix années consécutives, et ce  jusqu’à sa suppression en 1974.

Retour en 1964. La France est alors présidée par Charles de Gaulle. La guerre d’Algérie vient de se terminer et la voix des yéyés résonnent dans les postes. La télévision s’installe peu à peu chez les Français.e.s dont le niveau de vie augmente sensiblement. L’homme de l’appel du 18 juin a décidément bien compris l’intérêt pour l’État de garder cette formidable caisse de résonance que sont les médias audiovisuels, en plein essor. Le gouvernement dispose d’un ministère de l’Information et du SLII, le Service de Liaison Interministériel pour l’Information qui contrôle les programmes chaque jour.

L’ORTF, lorsqu’il est créé en 1964, n’est donc qu’un petit pas en matière de liberté d’expression et de création. Lorsque les révoltes de 1968 éclatent, la télévision n’a l’autorisation de diffuser qu’une poignée d’images, et ce sans le son. Beaucoup de journalistes, étudiant.e.s et réalisateur.ice.s dénoncent cette censure et réclament l’« autonomie de l’ORTF » lors des manifestations. À l’issue des grandes grèves du personnel de la radio et la télévision, les choses ne bougent pas et la majorité des grévistes est licenciée. 

Valéry Giscard d’Estaing, lorsqu’il accède à la présidence, ne tarde pas à supprimer ce qui représente pour beaucoup le pouvoir gaulliste. Promulgué en août 1974, l’article 2 de la loi dispose : « l’office de la radio-télévision française est supprimé. » Le démantèlement effectif de l’Office survient quelques mois plus tard. Ce sont désormais sept sociétés autonomes qui prendront en charge l’avenir de l’audiovisuel public : Radio France ; TF1, Antenne 2 et FR3 ainsi que trois autres établissements publics de diffusion, dont le plus connue, l’INA, qui se chargera de la gestion des archives.

Si la suppression de l’ORTF est perçue comme un moment libéral et libérateur, le monopole d’État sur l’audiovisuel public n’est pourtant pas aboli et ne le sera qu’en 1982, lorsque la gauche arrive au pouvoir. Le maintien de ce monopole d’État répond à des objectifs simples : affaiblir les syndicats et conserver un certain contrôle sur l’information. La suppression de l’ORTF sera pourtant présentée par les gouvernements de Valéry Giscard d’Estaing et de François Mitterrand comme une décision sur laquelle on ne reviendra pas. Pourquoi alors mentionne-t-on systématiquement l’ORTF dès lors qu’il s’agit de penser une réforme de l’audiovisuel public en France ? À la fois modèle et contre-modèle, de quoi l’ORTF est-il le temple ?

Clara Matet

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