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Le danger des solitudes pensées

C’est beau, une cuillère. C’est creux et lisse, 

C’est beau lorsqu’elle glisse en grinçant sur une glace ronde 

Et contre un bol qui crisse

 

C’est beau aussi une paupière

La tienne tombe trop tôt le soir

Elle me laisse seule

Elle scie ton paysage, de plus en plus lourdement, grasse. 

Brutalement elle abat son couvercle 

 

Je meurs un peu chaque nuit

De ne pas oser l’ouvrir avec mes doigts

Elle est pourtant si légère

Et ton sommeil est lourd

Tu ne sentirais rien 

 

C’est impoli, un doigt

C’est gros, sale, maladroit

Il pourrait réveiller l’ampoule enfoncée dans ton crâne

 

On ne mange pas avec les doigts, on utilise ses couverts 

 

Ce soir tu dors il n’est même pas minuit

J’ai un petit creux

 

Inspiration du poème “Le danger des associations de pensées”, Plume, de Henri Michaux que nous pouvons faire figurer à côté de mon poème et dont nous pourrions citer les quelques premiers vers : 

“C’est beau, une scie, une scie de scieurs de long, une scie qui puissamment, souplement, tranquillement avance dans une bille de bois pesante qu’elle tranche souverainement.

C’est beau aussi une poitrine.”

 

Illustration : Pakman

Texte : Clothilde Roques

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